NO MORE TRAGÉDIE,
MY LOVE.

un projet écrit & porté par Alexandre Cordier 

A 16 ans, Camille a fuguée sans prévenir. Elle a quitté sa chambre d’adolescente, l’école et tout ce qui fonde la personne qu’elle est aujourd’hui. 10 ans plus tard elle est devenue la nouvelle chanteuse pop populaire, plus de 15 millions de followers et plusieurs disques de platines. Alors, qu’est-ce qui la pousse à faire le chemin vers sa banlieue natale pour retrouver ses parents et chercher à comprendre son départ ? Lorsqu’elle retrouve sa mère au détour d’une petite rue, la parole se meut en un flot incontrôlable de mots. Camille et sa mère tente de démêler les raisons de ce drame familial. Alors les reproches se fondent en je t’aime et chacune questionne la volonté désabusée d’une jeunesse narcissique et avide de consommation.

Après 10805 MAUX qui évoque la question de la réussite sociale et du conflit de valeurs qui s’en accompagne, j’ai continué d’explorer les conséquences de ce que j’appelle « notre société d’idoles » à travers No more tragédie, my love. Une société qui se fonde sur les algorithmes des réseaux sociaux pour gagner une reconnaissance sociale et qui fait de sa propre médiatisation un succès, lié à l’argent et aux fans. L’art est ici secondaire, c’est le mouvement créé par la réussite qui m’intéresse.

Cette fois-ci, j’ai cherché à dépeindre la séparation que l’avidité de la réussite et de l’argent impose aux familles. Je voulais parler de la classe moyenne face aux grandes gloires médiatiques. Il ne s’agit pas d’obtenir un prix Nobel et de rendre fier la famille ou de se faire un nom dans l’industrie culturelle. Ici, Camille échappe à son milieu et de par sa fuite, elle le définit comme potentiellement médiocre. Il ne s’agit plus d’une trahison amicale, c’est un renoncement à ses propres racines. Camille veut manger un autre pain que celui des siens, elle cherche à se différencier et place ses exigences au rang de star internationale. La figure est presque grossière, car ces destins caricaturés permettent une tension dramatique qui se rapproche de ce qui peut être vécu en soi. Il y a peu de stars comme Camille et peu de mères comme dans mon histoire, mais chacun peut entendre la perte, les doutes et se représenter l’amour blessé qui anime les personnages. Si on ne se reconnait pas dans les personnages, alors on pourra se reconnaitre dans leurs vécus. 

Mon travail d’écriture se plonge encore plus dans des monologues. J’ai travaillé un texte brut (pour ne pas dire un art brut), et je conserve les failles et les bégaiements de l’auteur au profit de la parole. Encore une fois dans mon travail, je ne me noie pas dans une prose littéraire, je l’évite avec importance. Je m’attèle à construire des problématiques complexes avec des mots simples. Pour moi, la beauté réside dans les silences et la distance entre les mots ainsi que dans une construction scénique millimétrée. No more tragédie, my love est une pièce précise qui se déploiera dans une mise en scène tournée vers les actrices. A nouveau, le public est témoin d’une situation émotionnelle grave et en devient l’arbitre éveillé.

Dans une volonté de distanciation « à la Brecht », racine du théâtre populaire contemporain, et fort de ma formation en théâtre expressionniste, je souhaite que l’entité-auteur soit le garde de fou de la situation. Sa voix commentera la pièce, les gestes, exposera les didascalies et pourra donner, par des commentaires courts, un avis ou une explication sur l’action. Il intervient comme le garant du rythme du spectacle et responsable de l'acte de représentation en cours. C’est grâce à lui & de sa faute. Ainsi est évacuée la possibilité d’une intrigue magique, et chaque spectateur est conscient de la transmission d’un message clair et volontaire.